Moi Sambo, 40 ans, mort d’épuisement
Après 15 ans de service pour mes mahouts, moi, Sambo, je meurs au Cambodge alors que je suis en train de transporter des touristes.
Sambo, sans vie
Je m’appelais Stewball Sambo. Je n’étais pas un cheval blanc mais un éléphant gris. Depuis 15 ans, j’étais l’idole des jeunes et des touristes mais bizarrement personne ne m’enviait. L’« idole », je dirais plus le « jouet » des touristes et de mes « mahouts », mes dresseurs enfin… mes bourreaux. Comme je l’ai dit, ça faisait 15 ans que je travaillais à Angkor au Cambodge, dans le site archéologique qui contient une centaine de temples. Et toute la journée, sous 40 degrés, je baladais les grands, les petits, les maigres, les gros, les Français, les Américains, les Chinois, les gentils, les méchants, les peureux, les courageux, bref tant de personnes si contentes de venir m’écraser ! Personne ne voyait voulait voir que j’étais à bout de forces. Et vendredi, je me suis écroulée. Mon responsable a annoncé que j’étais morte « d’une crise cardiaque, due aux températures élevées ». Évidemment. Les milliers de coups que je me suis pris n’ont absolument rien à voir. Ça vous étonne ce que je vous dis ? Attendez que je vous raconte le quotidien d’un éléphant, qui comme moi, a été au service des hommes.
Comment devenir un bon pantin ?
Je sais que vous ne voulez pas savoir, que vous préférez nier l’évidence car c’est amusant de se balader sur le dos d’un éléphant, c’est un bon souvenir. Mais je n’en peux plus de garder ça pour moi donc je le raconte : voici comment un éléphant devient un pantin.
À 2 ou 3 ans, les mahouts nous capturent et tuent nos parents s’ils essaient de nous défendre. Puis ils nous font subir ce qu’ils appellent le « phajaan ». En gros, ils nous maltraitent jusqu’à ce qu’on accepte de faire tout ce que les hommes nous demandent. Tout ça par peur de revivre ces moments traumatisants. En fait, c’est tout simplement de la torture. Psychologique et physique. On nous enferme toute la journée et on nous tape avec des bullhook. Parfois on se prend quelques coups de jus. Je vous promets que ça fait un mal d’éléphant.
Et une fois qu’on est doux comme des agneaux car on veut pour rien au monde revivre cette période, on nous apprend à faire le zouave pour amuser la galerie. On balade les touristes, on fait des travaux, on peint avec notre trompe, on joue au football, etc. On est à peu près 15 000 à faire ce job en Asie. Et environ 35 000 résistent encore et toujours à l’envahisseur.
Pendant toute notre vie, on se prend chaque jour des petites piqûres de rappel, histoire de nous rappeler qui est le patron. On porte environ 300 kg sur notre dos. Oui, on est gros et grand mais 300 kg c’est énorme : normalement on ne peut supporter que 150 kg ! Et avec tout ça, vous imaginez bien qu’on n’a pas le temps de boire ni manger pendant la journée. Bref, la vie d’éléphant, c’est vraiment une vie de chien.
Si vous voulez nous soutenir, Rosie, l’héroïne du film De l’eau pour les éléphants, a créé une pétition, déjà 24 000 personnes l’ont signée !