Ask A Mortician : la culture funéraire pour les nuls
Depuis 7 ans, Caitlin Doughty travaille dans un crématorium à San Francisco. De son expérience, elle tire une volonté d’aborder la mort de façon plus saine et réaliste. Son projet, qu’elle a développé à travers une organisation appelée Order of the Good Death (« l’ordre de la bonne mort »), passe notamment par la chaîne Youtube Ask a Mortician.
Fascination dès l’enfance pour le macabre
À huit ans, Caitlin assiste à un accident mortel : une petite fille chute d’un balcon dans un centre commercial et s’écrase dans un bruit sourd. Elle en développe une obsession pour la mortalité, la sienne ou celle de ses proches, qui ne la quittera plus.
À la fac, Caitlin étudie l’histoire médiévale, toujours sous l’angle de la relation entre mort et culture. Elle cherche ensuite du travail dans le milieu funéraire pendant six mois, sans avoir aucune expérience du secteur.
La jeune femme finit par être embauchée dans un crématorium où elle découvre, enfin !, le métier d’opérateur funéraire. Au bout d’un an, elle passe le diplôme de thanatopractrice pour être au plus près des défunts. Le livre Chroniques de mon crématorium, qui est sorti en France en avril 2015, recense ses expériences et aborde de façon directe les problématiques liées à la mort.
Une conception plus naturelle de la mort
Caitlin Doughty, en fondant the Order of the Good Death, milite pour que la mort ne soit plus un tabou pour les familles. Elle regrette la façon édulcorée dont nous traitons nos morts, en payant des inconnus pour leur procurer les derniers soins.
Elle souhaite établir un rapport plus sain avec nos défunts, notamment en prenant part à la toilette mortuaire. En plus de représenter un gain économique, laver et habiller son proche décédé permet d’établir un dernier lien, de garder un rapport humain et surtout de prendre conscience de la réalité de la mort.
Ces principes, elle va les appliquer à son travail : elle prévoit en effet d’ouvrir sous peu une agence funéraire consistant à accompagner les familles, tout en les impliquant de façon plus approfondies dans les rituels funéraires, de la toilette mortuaire à l’allumage des fours crématoires.
Parler sans tabou de sujets macabres
La série de vidéos Ask a Mortician (« demandez à une croque-mort ») découle du rapport à la mort qu’entretient Caitlin. À travers sa chaîne Youtube, elle répond aux questions des internautes et aborde avec humour les thèmes de la nécrophilie, de la taxidermie humaine ou encore des pires façons de mourir.
Ask a Mortician – La pire façon de mourir ?
Dans cette vidéo, Caitlin commence par montrer que si les gens ont une idée assez précise de ce qu’est une « belle mort », les « mauvaises morts » ont elles des définitions très différentes, selon si on se place du côté du défunt ou des survivants (dans le cas d’un corps qui ne serait jamais retrouvé par exemple).
Pour elle, la pire façon de mourir correspond à un supplice perse appelé le scaphisme. Cela consistait à placer une personne nue entre deux morceaux de bois, à verser du lait et du miel dans sa bouche et sur son corps, et à répéter l’opération pendant plusieurs jours. La victime baignait alors dans ses propres excréments, et était rongée vivante par les insectes, que le sucre attirait.
Elle montre ensuite que la façon de percevoir des morts horribles est très subjective et répond à nos peurs personnelles. Cependant, la tragédie du 11 septembre est représentative de la pire mort possible : complètement inattendue, extrêmement violente, laissant le « choix » aux victimes entre brûler vives ou se défenestrer et laissant de nombreuses familles sans corps.
En mettant l’accent sur ces faits, Caitlin Doughty ne joue pas simplement sur un sujet tabou et pouvant paraître malsain. En fait, dans toutes ses vidéos, elle incite l’internaute à s’interroger sur sa propre conception de la mort, et par là à l’accepter comme partie intégrante de sa vie.