Benoîte Groult, figure du féminisme est décédée
Benoîte Groult, journaliste, romancière et militante féministe française est décédée ce mardi 21 juin à Hyères.
Une enfance épanouie
Benoîte Groult est née le 31 janvier 1920 à Paris. Elle est la fille du styliste de meubles André Groult et de la dessinatrice de mode Nicole Poiret. Rapidement, sa famille la renomme Rosie, trouvant le prénom plus féminin et plus adapté pour une petite fille.
Pendant son adolescence, Rosie a un côté garçon-manqué qui la différencie de sa sœur cadette, Flora, blonde, coquette et passionnée par la mode. Dans l’un de ses livres Ainsi soit-elle, elle raconte même qu’elle faisait exprès de devenir laide. L’idée de devoir convenir à des critères et codes sociaux l’excédait.
« L’idée que mon honorabilité future, ma réussite en tant qu’être humain, passaient par l’obligation absolue de décrocher un mari, et un bon, a suffi à transformer la jolie petite fille que je vois sur mes photos d’enfant en une adolescente grisâtre et butée, affligée d’acné juvénile et de séborrhée, les pieds en dedans, le dos voûté et l’œil fuyant dès qu’apparaissait un représentant du sexe masculin. »
C’est seulement à l’âge de 18 ans que Rosie redemandera à ce qu’on l’appelle Benoîte assumant pleinement le côté masculin de son prénom.
Benoîte Groult se marie en 1944 avec Pierre Heuyer un étudiant en médecine. Ces parents sont rassurés de la voir « casée », eux qui s’inquiétaient à l’idée qu’elle finisse vieille fille. Mais son mari meurt de la tuberculose très peu de temps après leur mariage.
Très vite, en 1946 elle se remarie avec un journaliste, Georges de Caunes avec qui elle a eu deux filles, Blandine et Lison. Elle avortera de leur troisième enfant. Elle se rangera d’ailleurs aux côtés de Simone de Beauvoir pour légaliser l’Interruption Volontaire de Grossesse. Le couple se séparera et Benoîte vivra sa dernière idylle avec Paul Guimard avec qui elle aura un enfant, Constance. Elle restera sa compagne jusqu’en 2004, année de décès de l’écrivain.
Une écrivaine
Très jeune, Benoîte Groult a un goût prononcé pour l’écriture. Elle obtient une licence en Lettres et écrit ses premiers romans avec sa sœur Flora Groult. Journal à quatre mains en 1958, Le Féminin pluriel en 1965 puis Il était deux fois en 1967.
Elle entame ensuite sa carrière solo avec des romans, une autobiographie, des publications dans des magazines féminins tels que Elle ou Marie Claire et des essais dont le plus célèbre est Ainsi soit-elle. Dans cet ouvrage, elle est la première à dénoncer ouvertement les mutilations génitales féminines subies par de nombreuses femmes.
Son combat féministe
L’écrivaine a participé à de nombreux combats pour les droits des femmes. Obtenir le droit de vote en 1944 a déjà dû être pour elle une première réussite.
Pendant sa vie, elle s’est engagée pour la féminisation des noms de métier. Pendant 2 ans, de 1984 à 1986, elle a présidé la Commission de terminologie pour la féminisation des noms des métiers, de grades et de fonctions créée par la Ministre des droits des femmes de l’époque, Yvette Roudy. C’est donc en partie grâce à elle que l’on peut aujourd’hui la qualifier d’«écrivaine » et non d’«écrivain ».
À la fin de sa vie, elle s’est engagée aux côtés de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) qui lutte pour que chacun puisse choisir les conditions de sa mort.
« Réclamant le droit de choisir ma mort comme j’avais réclamé autrefois celui de donner ou non la vie, voilà que je me retrouvais dans la même position de quémandeuse devant la même nomenklatura ! Voilà qu’on me parlait comme à une petite fille alors que j’avais le double de l’âge de tous ces médecins et n’étais plus coupable que d’avoir trop vieilli à mon goût ! Ma vie n’était donc plus à moi ! »
Hommage du Président
Le Président de la République Française, François Hollande a rendu hommage à celle qu’il a qualifiée de « belle et grande figure du féminisme » dans un communiqué de l’Elysée.
« Benoîte Groult ne voulait pas seulement exister pour elle-même, elle voulait faire voler en éclats les conservatismes, pour transformer la société et la mettre en accord avec ses convictions. (…) Benoîte Groult, c’était un sourire bienveillant. C’était une voix chaude. C’était une pensée exigeante. C’était un style ardent. » a écrit le Président.
Les deux personnalités s’étaient déjà rencontrées en décembre 2013 puisque le Président avait décoré la féministe du grade de Grand Officier de l’Ordre national du Mérite.